La crise sanitaire a chamboulé nos vies. Au-delà des répercussions sur la santé, cette pandémie a eu des répercussions sociales, économique et psychologiques.
Nous avons été confinés, déconfinés et reconfinés, partiellement ou totalement. Peut-être pour certains le premier confinement était une opportunité de faire une remise en question alors que pour d’autres cet isolement a rapidement généré une grande souffrance.
Avec les prolongations des restrictions, le confinement est devenu synonyme de solitude et d’isolement pour de nombreuses personnes. Un syndrome inconnu auparavant est aujourd’hui évoqué comme une probable conséquence du confinement. C’est le syndrome de la cabane.
Qu’est-ce que c’est le syndrome de la cabane ?
Le syndrome de la cabane ou de l’escargot, n’est pas un trouble en psychiatrie, mais une expression pour indiquer la difficulté de sortir de chez soi et de reprendre une vie sociale après une période d’isolement, comme celle que nous avons vécu pendant le confinement.
Le terme a devenu populaire à la fin du 1er confinement de la COVID en Espagne, síndrome de la cabaña.
L’origine de ce syndrome et son appellation remonte à l’époque des chercheurs d’or. Ces derniers quittaient leur domicile pendant de longs mois. Ils vivaient reclus dans des cabanes, seuls et totalement coupés du monde extérieur. Une fois rentrés chez eux, le retour à une vie sociale était devenu difficile et angoissant. En retrouve aussi la description de ce phénomène chez les explorateurs arctiques qui revenaient de leur expédition.
En consultation, nous avons des patients qui sont restés chez eux pendant de longues périodes. Ils nous racontent combien c’est devenu angoissant de sortir de chez soi. Ils évoquent ne plus avoir envie de sortir. Des symptômes dépressifs sont présents, la tristesse et les insomnies. Aussi, l’anxiété est accentuée. Une nouvelle peur ou une peur intensifiée du regard des autres.
En effet, nous observons une perte de confiance en soi dû à cet isolement. Le confinement a engendré des changements chez certaines personnes.
Effets négatifs de l’isolement social
L’isolement social imposé par le confinement, l’arrêt des loisirs, la fermeture des lieux de rencontre, la distanciation lors des rencontres avec les autres et les autres mesures de restriction des contacts sociaux posent la question des conséquences. Quelles conséquences sur la santé mentale, l’équilibre et le bien-être psychologique, physique et économique.
Les personnes socialement isolées rapportent en général plus de souffrance psychologique et plus de troubles psychiatriques. Les études montrent que quand les personnes ont moins de soutien social, elles sont plus susceptibles de souffrir de stress et en particulier de dépression (Santini, Koyanagi, Tyrovolas, Mason et Haro, 2015).
La relation entre l’isolement social et la dépression est bidirectionnelle
L’isolement social peut conduire les individus à développer des symptômes plus dépressifs et les symptômes dépressifs peuvent également affecter le degré d’isolement social des individus. En effet, une personne dépressive aura tendance à s’isoler plus.
La solitude à dose modérée
Sans faire l’éloge à la solitude, une étude nous montre qu’être seul n’est pas nécessairement toujours nocif. Il y a aussi des effets positifs. Les gens ont un « besoin de solitude », c’est-à-dire de passer des moments seuls.
A condition que cette solitude soit adaptée en fonction du besoin personnel et du contexte social. Une étude a comparé la détresse entre 3 groupes d’adolescents. Le premier groupe n’avait pas de temps de solitude. Le deuxième groupe passait modérément du temps seul et le dernier groupe passait beaucoup de temps seul.
Les résultats sont clairs, c’est le groupe qui vivait des moments modérés de solitude qui avait moins de détresse psychologique. Nous pouvons en conclure qu’une bonne autorégulation des émotions, c’est-à-dire, pouvoir réduire l’anxiété et la tristesse et aller vers une bonne santé psychologique, passe par une alternance de moments sociaux et moments de solitude. Chaque individu peut réguler son humeur en alternant les deux.
Le syndrome de la cabane et le désapprentissage de la socialisation
Dans la situation actuelle, la solitude lors du confinement est subie. Nous en sommes victimes. Le confinement nous impose plus d’isolement social. Il déséquilibre l’alternance que nous avions entre moments de solitude et de socialisation.
Nous sommes amenés à nous adapter à ce nouveau contexte de réduction de contacts sociaux. Nous pouvons dire qu’on désapprend la socialisation.
Lors d’une pandémie, nous nous imposons d’éviter les contacts sociaux pour diminuer le risque de contagion. Les pandémies passées nous donnent des informations précieuses. En effet, il s’avère que de nombreuses personnes ont continué même après que le danger soit passé à éviter les contacts sociaux. L’évitement devient une attitude assez stable.
Le syndrome de la cabane et l’inertie de la solitude
La pandémie modifie l’alternance « idéale » entre moments de solitude et ceux de socialisation. Le confinement impose un isolement social. Le risque est que la personne se conforme à cette solitude et ne recherche pas de situations sociales quand elle en aura la possibilité. Le concept en psychologie d’inertie de la solitude (Elmer et coll., 2020) décrit assez bien ce phénomène.
L’inertie de la solitude définit la tendance à maintenir des états prolongés de solitude. Ce concept se rapproche de la description du syndrome de la cabane, suite à la situation imposée par la pandémie. En d’autres termes, les individus ayant une forte inertie de la solitude ont tendance à moins alterner états de solitude et d’interaction sociale. Ils restent dans l’état de solitude.
Les risque de l’inertie de la solitude
Elmer et coll. (2020) ont trouvé que la tendance à rester dans des états de solitude (l’inertie de la solitude ou syndrome de la cabane) accentue les symptômes dépressifs, en particulier la rumination (Evans, Marsh et Owens, 2005). Lorsque les interactions sociales sont absentes pendant des périodes plus longues, une rumination excessive peut conduire au développement d’autres symptômes dépressifs (Nolen-Hoeksema, 2000), en particulier, l’anhédonie sociale, la perte d’intérêt pour les contacts sociaux, et le plaisir à faire des activités.
Le syndrome de la cabane et la dépression
Nous savons aussi que les personnes présentant des symptômes dépressifs sont moins motivées à rechercher un contact social en général, mais surtout lorsqu’elles sont seules. Il devient plus difficile pour ces personnes de s’engager dans des interactions sociales.
Le syndrome de la cabane chez les étudiants
Les études sur les conséquences de la COVID sont intéressantes. Une parmi celles qui ont étudié l’isolement (Hamza, Ewing, Heath, et Goldstein, 2020) a montré que l’isolement social pendant la COVID augmente la pathologie psychiatrique chez les étudiants.
Les étudiants sont souvent logés dans des conditions précaires, Le syndrome de la cabane qu’on pourrait appeler pour cette population le « syndrome de la chambre d’étudiant », se traduit par un décrochage universitaire et une augmentation du risque dépressif.
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Les bienfaits du contact social
Le contact social aide à garder un meilleur sens de la réalité. En fait, parler avec les autres nous permet de verbaliser et confronter nos propres idées aux celles des autres. Par conséquent, le contact social aide à remettre en question ses propres pensées. Les individus qui subissent l’isolement social ont tendance à penser de manière plus déviante et à avoir plus de pensées irrationnelles.
Isolée la personne à tendance à subir davantage ses propres vulnérabilités psychologiques. Si elle a des tendances dépressives, elle commencera à percevoir davantage du négatif. Elle perd aussi en assurance. Le sentiment d’auto-efficacité et d’estime de soi diminuent. Les idées négatives sur soi augmentent.
Nous connaissons déjà comment les cognitions négatives affectent les émotions négatives. En effet, à partir des cognitions (pensées) négatives relatives à elle-même, la personne commence à se sentir gênée vis-à-vis des autres. Puisqu’elle a perdu l’habitude des contextes sociaux, elle a perdu confiance en elle à gérer ce type de contextes.
Attention aux « Je suis mieux seul »
Il faut faire attention à ne pas se résigner devant les symptômes dépressifs. C’est-à-dire que le manque d’envie de sortir et le choix de rester seul sont souvent signes de dépression. Dans la dépression la personne perd de l’intérêt et de plaisir à faire les activités qu’avant donnaient du plaisir.
Dire « Je suis mieux seul » est plutôt un comportement d’évitement qui aggrave l’état émotionnel de la personne. Ce n’est pas un comportement qui donne du sens ou du bien-être à la vie de la personne.
Conseils pour se protéger du syndrome de la cabane
D’abord, ne pas croire qu’une fois le confinement soit fini, tout va redevenir comme avant. Tenir compte de l’effet direct de l’isolement qui abîme la santé psychologique. L’isolement déséquilibre l’alternance naturelle entre moments sociaux et moments de solitude.
Garder les contacts avec les amis : les interactions avec nos amis sont prédictives du bonheur.
Augmentez les occasions d’interactions sociales : l’interaction sociale aide à sortir des états de rumination et à réguler les émotions.
Garder le pieds sur terre : le contact social aide à maintenir un sens de la réalité et de la raison (Baumeister et Leary, 1995).
Inventer des nouveaux modes de communication, faire de la visio pour discuter avec les autres. C’est aussi important que se nourrir.
Il faut se forcer lorsque l’envie commence à manquer. Persévérer. Il y a plein de choses qui semblent inutiles, mais les faire, permet d’activer et stimuler le cerveau.
Planifier la journée pour garder ou installer des bonnes habitudes. Nous savons que l’isolement modifie le rythme social car il réduit les contraintes sociales.
Garder un rythme comme avant : maintenir des heures de coucher régulières. Penser à manger équilibré.
Soigner son apparence est important, ne pas rester en pyjama toute la journée. Prendre soin de soi, active l’envie d’être en contact avec les autres.
Faire de l’exercice physique. Cela s’applique à tout le monde, tout le temps. Des études ont déjà montré qu’entre deux groupes de dépressifs, celui qui faisait du sport voyait son état dépressif amélioré.
Faire de l’exercice émotionnel tels que la relaxation, la méditation, le yoga, etc. Beaucoup d’applications existent. Apprendre à s’apaiser est une vraie compétence qui servira toute notre vie.
Ne pas procrastiner. La perte de motivation amène petit à petit à repousser à demain ce que nous pouvons faire maintenant. Cela augmente l’anxiété et la dépression. Réussir une tâche augmente l’estime de soi et le sentiment de maîtrise de sa vie.
Aider ses proches. Si un proche est dans un état de perte de motivation, il faut le solliciter. « L’obliger » à prendre soin de lui. S’occuper des autres peut aider à donner du sens et de la satisfaction à sa propre vie
Note importante
Si les difficultés d’isolement dépassent nos capacités d’adaptation. Si la déprime s’installe avec son lot d’anxiété, tristesse, perte de plaisir, insomnie. Il vaut mieux consulter et demander de l’aide à un professionnel. De nombreux professionnels se sont adaptés et consultent en ligne. C’est facile de consulter de chez soi. Les études scientifiques sont unanimes : l’aide psychologique et/ou la psychothérapie en ligne est aussi efficace que celle faite en face à face. Ne pas attendre la fin de la période du confinement. Ne pas oublier que la dépression est constituée de plusieurs cercles vicieux dont un est bien le retrait social. Plus ce cercle vicieux est renforcé, plus il est difficile de s’en sortir.
Si vous avez des difficultés en ce moment. Si vous sentez que malgré des efforts, vous peinez à remonter la pente, n’hésitez pas à demander conseil à un de nos psychologues. Ils sont là pour vous aider.
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