Nombreux sont les adolescents qui mangent mal. Ils se nourrissent d’une alimentation trop grasse et à base de féculants. Celle-ci peut induire du surpoids, de l’obésité et par conséquent des maladies cardio-vasculaire ou du diabète. Cela peut aussi devenir une source de conflit avec les parents qui s’inquiètent des habitudes alimentaires de leurs progénitures. En effet, les parents soucieux de la santé de leurs ados critiquent et préviennent, « Tu devrais manger plus de légumes et moins de hamburgers », « attention aux sodas, ils sont pleins de sucre… ». Ces remarques bienveillantes n’ont pas trop de succès. En effet, l’adolescent a tendance à être imperméable aux bons conseils de ses parents puisqu’il est dans une démarche de quête d’autonomie et d’affirmation de soi par l’opposition aux demandes des parents. Ses choix sont davantage motivés par « C’est à moi de décider de ce que je mange… ». Les valeurs des adolescents divergent de celles de leurs parents.
Surpoids et obésité de l’adolescent
Nous savons que le surpoids est un problème de société. Il est à la fois important et urgent d’endiguer l’augmentation du taux d’obésité. Les prévisions de l’Organisme Mondial de la Santé montrent qu’au cours des prochaines décennies, l’obésité devrait entraîner une augmentation considérable des maladies, des décès et des coûts économiques des soins de santé.
Inefficacité de la prévention actuelle
Tout comme les conseils de parents, les interventions préventives en milieu scolaire ne sont pas très efficaces pour augmenter la motivation chez les adolescents à mieux manger. Alors que, de telles approches ont donné un certain succès chez les jeunes enfants, une méta-analyse a montré des effets nuls pour les ados.
L’adolescence implique plus de liberté de choix
Les adolescents subissent des changements physiologiques et psychologiques qui modifient leurs appétits et leurs préférences alimentaires. Aussi, l’adolescence apporte de nouvelles libertés, notamment financières, par conséquent, ils ont plus de contrôle sur les choix personnels tels que les collations à acheter.
Cependant, l’adolescent s’en fiche d’être en bonne santé plus tard. Des remarques telles que, « si tu veux être en bonne santé plus tard, il faudrait que tu apprennes à mieux manger » ou « tu vas grossir si tu continues de manger autant de fast-food ! » ont peu d’impact. Les jeunes, comme les études sur la santé des étudiants l’affirment, sont peu concernés par leur santé et demandent peu d’aide.
En particulier, nous savons que l’adolescent n’est pas motivé par l’aspect « santé » quand il s’agit de faire des choix de nourritures. Ce ne sont pas les micronutriments dans les légumes (qui pourrait contribuer à sa défense immunitaire) qui déterminent ses choix, ni les bonnes graisses de certains aliments. L’adolescent n’est pas non plus très à l’écoute quand il s’agit du taux de matières grasses contenu dans les hamburgers ou les conservateurs des plats préparés.
La motivation des adolescents à travers leurs valeurs
Bien que les adolescents ne soient pas motivés par la santé dans un avenir lointain, ils ne sont pas non plus apathiques, comme le suggèrent certains stéréotypes populaires. Les adolescents sont, au contraire, connus pour être très motivés à respecter des valeurs importantes qui sont partagées avec leurs pairs. Nous savons qu’il est primordial à l’adolescent de sentir qu’il puisse être accepté et respecté par ses pairs. Un moyen pour intégrer un groupe est de partager les mêmes valeurs que celui-ci.
Le désir de statut au sein du groupe et du respect de la part des pairs peut malheureusement également motiver des comportements malsains ou à risque. Mais, ce désir peut également être exploitable comme moteur d’un comportement ou changement positif. En alignant le comportement (alimentation saine) avec des valeurs importantes largement partagées, il est tout à fait possible de motiver les adolescents à améliorer leurs habitudes alimentaires. Deux valeurs d’adolescents qui sont largement partagées sont l’autonomie et le souci de justice sociale.
Les valeur des adolescents de l’autonomie
Les adolescents sont extrêmement sensibles aux empiètements perçus sur leur autonomie. Ils expriment fréquemment une opposition face à de tels empiètements sur leur sentiment de liberté, rejetant ou ignorant les tentatives des adultes d’influencer leur comportement – voire d’endosser le contraire – pour réaffirmer leur autonomie.
Par exemple, dans une étude, le simple fait de formuler une demande en termes de ce que l’on « devrait » faire par opposition à ce que l’on « pourrait envisager » de faire a empêché les adolescents d’intérioriser un message et de modifier leur comportement. Dans une autre étude récente, des adolescents qui ont regardé des clips vidéo de leur mère leur disant comment ils devraient changer leur comportement (par exemple, nettoyer leur chambre, être gentil avec leur frère ou sœur) ont montré un schéma d’activité neuronale qui suggérait qu’ils ne traitaient pas la critique ou ne planifiaient pas de modifier leur comportement, mais ils ressentaient la colère.
Le désir d’autonomie peut souvent être un obstacle aux interventions de santé comportementale, car de telles interventions impliquent généralement de dire aux adolescents comment ils doivent faire des choix personnels (par exemple, ce qu’il faut manger). Il faudrait plutôt s’appuyer sur le fort motif d’autonomie des adolescents. La valeur d’autonomie n’est pas forcément un obstacle mais plutôt un atout.
Justice sociale et des préoccupations au-delà de soi
Les adolescents sont parfois caractérisés comme préoccupés uniquement par des objectifs égoïstes à court terme, mais la science récente du développement souligne qu’il s’agit d’une période de préoccupation croissante pour la justice sociale et les préoccupations au-delà de soi. Ce phénomène est instancié par l’attirance pour les mouvements sociaux tels que le végétarisme, l’activisme antimondialisation, « Black lives matter », etc… Cette motivation est influencée par le développement du système neuronal et endocrinien qui accentuent l’attention sur l’injustice et créent une plus grande préoccupation afin de trouver un sens à la vie.
Cette attention à la justice sociale se manifeste souvent par une réactivité contre les autorités (par exemple, les parents et les enseignants) ; les adolescents sont souvent très motivés d’éviter d’être perçus comme alignés sur les intérêts d’autorités adultes injustes. Mais cela peut aussi se manifester par une condamnation plus générale de l’injustice sociétale et motiver une action prosociale pour remédier à cette injustice. L’opportunité d’avoir un impact significatif sur le monde au-delà de soi peut créer un puissant sentiment de récompense eudémonique dans l’immédiat.
S’appuyer sur les valeurs des adolescents pour motiver une alimentation saine
Premièrement, un message sur l’alimentation saine peut-être présenté en exposant les pratiques commerciales manipulatrices de l’industrie alimentaire. Celles-ci sont conçues pour influencer et tromper les adolescents et les autres en leur faisant manger de plus grandes quantités d’aliments malsains qu’ils n’auraient autrement choisi de manger. L’industrie alimentaire fabrique des aliments transformés pour maximiser la dépendance et encourager la surconsommation. Elle utilise un étiquetage trompeur pour faire paraître des produits malsains sains. L’objectif est de présenter une alimentation saine comme un moyen de ne pas être piégés par l’industrie alimentaire. En effet, rejeter la malbouffe est un moyen de se rebeller contre leur contrôle.
Deuxièmement, un message mettant en avant la justice sociale de ces pratiques industrielles manipulatrices : par exemple, l’industrie alimentaire cible de manière disproportionnée les familles pauvres et les très jeunes enfants avec des publicités pour des produits malsains. L’objectif de s’appuyer sur la valeur de justice sociale est de présenter une alimentation saine comme un moyen de prendre position contre l’injustice. Rejeter une alimentation industrielle revient à défendre les personnes vulnérables qui n’ont pas la capacité de se protéger.
L’étude de Christopher J. Bryan et collaborateurs « Harnessing adolescent values to motivate healthier eating » a examiné l’hypothèse selon laquelle : l’alignement d’une alimentation saine avec des valeurs adolescentes importantes et largement partagées produirait la motivation nécessaire. Une expérience en double aveugle, randomisée et contrôlée par placebo avec des élèves de huitième année (total n = 536) a évalué l’impact d’un traitement qui considérait une alimentation saine comme cohérente avec les valeurs des adolescents d’autonomie de justice sociale. Une alimentation saine a été suggérée comme moyen de prendre position contre les pratiques manipulatrices et déloyales de l’industrie alimentaire. Par rapport aux matériels d’éducation à la santé traditionnels ou à un contrôle non lié à l’alimentation, ces interventions ont conduit les élèves de huitième année à considérer une alimentation saine comme un comportement plus axé sur l’autonomie et la justice sociale et à renoncer aux collations et aux boissons sucrées au profit d’options plus saines.
A lire aussi : Le guide des parents pour la santé mentale des adolescents
La souffrance des personnes âgées pendant l’été – comment les accompagner
Cet article a été écrit par Florence Betito, psychologue formée aux TCC de l’équipe Psy.link….
Sommeil : comment le réguler naturellement ?
Article sur le sommeil écrit par Anne-Claire Leterme, psychologue formée aux TCC, Docteure en psychologie…
La psychologie positive, la science d’une vie plus satisfaisante
Article écrit par Aurélie Caron. Psychologue clinicienne formée aux TCC. La psychologie positive, qu’est-ce que…
Qu’est-ce que le trouble du désir sexuel ?
« Mon compagnon se plaint et je comprends. J’ai 30 ans et nous ne faisons l’amour…
Procrastination : remettre à plus tard ce que je devrais faire maintenant
Sylvie doit réviser pour ses examens. Elle a du mal à s’y mettre. A l’idée…
Suis-je affirmé.e? Avez vous un style de communication affirmatif, agressif ou inhibé?
« Je fais le test » Vous recevrez le résultat par mail :