Article rédigé par Valentina Galetto, Psychologue clinicienne et neuropsychologue.
Le traitement du trouble de la personnalité borderline est souvent cruciale pour les personnes souffrant de ce trouble ainsi que pour leur entourage. Le trouble de la personnalité borderline s’associe à une instabilité émotionnelle. Avec des fréquents pics de colère et des changements d’humeur soudains, la personne borderline peut être imprévisible et agressive. Pour l’entourage ces comportements violents paraissent injustifiés. Plus encore, les comportements dysfonctionnels causent souvent des difficultés relationnelles. Enfin, il y a une instabilité marquée et persistante de l’image de soi. Cela dépend de l’impulsivité qui amène à mettre en place des comportements peux cohérents et pose la question « Qui suis-je vraiment ? » Par exemple, Sonia avait entrepris une formation pour devenir sophrologue depuis deux mois lorsque soudainement une envie d’étudier l’art l’a poussé à quitter son école de sophrologie.
Une caractéristique typique du trouble de la personnalité borderline est la persistance des comportements peu adaptés et l’impact significatif dans plusieurs domaines de vie. Dans une situation menaçante, que la menace soit réelle ou interprétée comme telle, la personne a tendance à activer toujours le même type de réponses. Celles-ci sont souvent inadaptées pour elle et difficiles à accepter par les autres. Par exemple, Sonia se met en colère dès qu’elle est perçoit une injustice de la part de ses amis. Elle devient violente verbalement et souvent blessante. Elle regrette ensuite, mais a du mal à modifier cela.
C’est ainsi qu’au fil du temps le mal-être s’installe de plus en plus profondément. La manière d’interpréter devient rigide. La souffrance psychique s’accentue.
Comment soigner le trouble de la personnalité borderline en se focalisant sur la personne, sur ses vécus et ses besoins ?
Une perspective intéressante nous est offerte par Young dans la Thérapie des Schémas (Young et al., 2003). Dans cette thérapie, le concept de “besoin” est central. D’après cet auteur, dès le début de notre vie, chacun de nous a des “besoins émotionnels primaires”. La satisfaction de ces besoins équivaut à une “nourriture affective”. Celle-ci l’aide à grandir avec un sentiment d’être aimé et accepté. Avec les besoins satisfaits, l’enfant grandit dans un environnement rassurant qui l’aide à développer un sens stable de lui-même et du monde qui l’entoure. De plus, ces besoins, si ces derniers sont satisfaits, aideront l’enfant à identifier et à exprimer ses ressentis et ses opinions. Il a besoin de se sentir compris, mais aussi d’avoir des limites, de pouvoir s’amuser. Tout en étant authentique et spontané dans son comportement.
Alors que se passe-t-il si les besoins émotionnels primaires ne sont pas satisfaits ?
Si les besoins émotionnels primaires ne sont pas satisfaits, l’enfant commence à développer un “filtre de protection”. Ce dernier agit comme un verre correcteur, à travers qui lui permet d’interpréter ce qui se passe autour de lui. Ce filtre ou « verre correcteur » permet de trouver une cohérence et survivre dans un contexte compliqué et parfois effrayant.
Par exemple, enfant, les parents de Sonia étaient souvent absents, peu affectueux. Ils n’avaient pas de temps à lui dédier. Elle commençait à se dire que c’était de sa faute, que, peut-être, elle n’était pas assez intéressante. Sonia développait un “schéma”, qui allait l’accompagnait pendant toute sa vie.
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Schéma dysfonctionnel précoce
Qu’est donc un “schéma dysfonctionnel précoce”, comme le définit Young (Young et al., 2003). Imaginons des lunettes avec des verres déformées, la personne qui regarde à travers ses lunettes aurait une vision déformée d’elle-même, des autres et du monde. Les « verres se déforment » car certains des besoins primaires n’ont pas été satisfaits pendant l’enfance.
Chacun de nous a un filtre qui biaise nos interprétations. Il fait d’émotions, de pensées, de sensations corporelles et de souvenirs. Tout au long de notre vie, nous interprétons la réalité à travers celui-ci.
Pour revenir à Sonia : à cause de son histoire de vie, sa croyance dit « je ne suis pas intéressante ». Une fois à l’âge adulte, elle aura tendance à interpréter l’inattention de son petit copain, comme la confirmation de sa croyance. C’est-à-dire, Sonia interprète très facilement un retard comme une preuve qu’elle soit inintéressante aux yeux de son petit copain. Elle se met donc à colère et se comporte d’une manière agressive. Soulignons que c’est la colère d’un enfant qui ne se sent pas vu, pas considéré, depuis toujours…
Cette explication, bien que très simplifiée, démontre une des possibles raisons des explosions de colère chez une personne souffrant du trouble de la personnalité borderline.
Qu’est-ce qu’il y a derrière cet “enfant en colère” ?
Dans le traitement du trouble de la personnalité borderline, comprendre la nature complexe de la colère peut être cruciale. Greeberg, auteur de la Psychothérapie centrée sur les Emotions (Kramer et Ragama, 2015) postule que la colère est une émotion secondaire. En fait, celle-ci, en cache d’autres, parfois plus difficiles à reconnaître et à maîtriser, telles que la tristesse et la peur. Cependant, en cherchant ce qu’il y a derrière la colère, nous pouvons avoir accès à une partie de nous plus vulnérable. La tristesse derrière la colère, telle que nous ressentions l’absence de nos parents, étant enfants. Autrement dit, il peut y avoir des besoins insatisfaits donc nous sommes incapables d’exprimer ou porter à notre conscience.
Alors, c’est à ces besoins insatisfaits qu’il faut prêter attention.
Le traitement du trouble de la personnalité borderline
Dans le traitement du trouble de la personnalité borderline, il est important d’aider les patients à développer une meilleure compréhension de leur besoin émotionnels. Pour cela, les patients peuvent apprendre à se connecter à leurs besoins en cherchant à les satisfaire d’eux-mêmes. Car, la prise de conscience des besoins permet de satisfaire ses besoins sans avoir besoin des autres. Les patients peuvent aussi avoir besoin d’apprendre à demander de façon calme et assertive à l’autre, de les écouter et, éventuellement, répondre.
Le thérapeute va introduire l’Adulte Sain. Se connecter à son Adulte Sain aidera à agir en lien avec nos valeurs. Il n’y a pas de modèles préétablis et figés de l’Adulte Sain. Chacun de nous devra explorer les caractéristiques de cette partie « saine » de soi selon ses vécus et son histoire de vie personnelle. Néanmoins, certaines qualités semblent nécessaires pour nous permettre de vivre au mieux et de faire face aux situations compliquées.
Caractéristiques de l’Adulte Sain
- Être conscient de ses émotions et de ses besoins.
- Avoir des stratégies de coping adaptées pour faire face aux situations stressantes.
- Avoir une vision réaliste de soi, des autres et du monde, sans distorsions cognitives.
- Savoir réguler ses émotions d’une manière saine.
- Avoir suffisamment de recul pour être capable de réfléchir avant de réagir. Afin d’avoir, une réponse calme et affirmée face à tout élément déclencheur.
- Avoir de l’autodiscipline.
- Savoir prendre soin de soi, par exemple en mangeant correctement. En faisant de l’activité physique, en se reposant et s’autoriser de ralentir afin de se préserver.
- Construire des relations interpersonnelles saines.
- Avoir de la compassion envers les autres, mais, en premier, envers soi-même (Health et Startup, 2020).
Utiliser la compassion pour soigner le trouble de la personnalité borderline
Le concept de « compassion » est particulièrement intéressant dans le Traitement du trouble de la personnalité borderline. En effet, la compassion, identifiée par plusieurs approches thérapeutiques (tels que l’Inner Family System Therapy – Schwartz et Sweezy, 2019 ; la Compassion Focused Therapy – Gilbert, 2009 ; et la Schema Therapy) est une composante fondamentale du bien-être mental.
La compassion peut être définie comme la conscience de sa propre souffrance et de celle d’autrui, associée à la motivation et à l’intention bienveillante d’en prendre soin. Elle est issue du postulat que si notre souffrance est indépendante de notre volonté. La compassion permet plus de bienveillance envers soi-même, une acceptation de l’histoire personnelle et de ses erreurs ainsi que celles des autres. Elle implique aussi le courage d’aller de l’avant avec la conscience des ressources pour y arriver (Gilbert, 2009).
Ainsi, Sonia, au lieu de réagir avec colère contre son copain avec le sentiment de ne pas être aimée, vue et considérée, tel que son histoire de vie lui a appris. Sonia, compatissante, pourrait être bienveillante avec elle-même, se connecter à sa tristesse et se parler de façon rassurante et apaisante. Elle pourrait ainsi se dire que ce n’est pas de sa faute si elle a vécu certaines expériences, qu’elle a fait de son mieux à l’époque. Désormais, elle a des nouveaux moyens de s’occuper d’elle et de ses ressentis.
Nous pouvons, à travers la focalisation sur l’instant présent, apprendre à se connecter à nos besoins, en les validant, même si personne ne l’a fait. Nous pouvons désormais, arriver à exprimer les émotions ou à les satisfaire d’une manière adaptée.
Rien n’est figé dans la vie, il suffit d’être conscient d’où on arrive et de ce qu’on peut faire aujourd’hui pour redonner à notre parcours la direction souhaitée…
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Bibliographie
– Gilbert, P. (2009). Introducing compassion-focused therapy. Advances in psychiatric treatment, 15(3), 199-208.
– Heath, G., & Startup, H. (Eds.). (2020). Creative methods in Schema therapy: advances and innovation in clinical practice. Routledge.
– Kramer U., Ragama, E. (2015). « La psychothérapie centrée sur les émotions » Elsevier- Masson Ed.
– Schwartz, R. C., & Sweezy, M. (2019). Internal family systems therapy. Guilford Publications.
– Young, J. E., Klosko, J. S., & Weishaar, M. E. (2003). Schema therapy: A practitioner′ s guide: New York: Guilford Publication.
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