Sylvie doit réviser pour ses examens. Elle a du mal à s’y mettre. A l’idée d’ouvrir ses cahiers elle ressent un inconfort. Si elle devait décrire ses émotions à ce moment-là, elle parlerait peut-être d’anxiété, de tristesse, de dégoût… Des pensées automatiques lui traversent l’esprit, « je n’y arriverai pas », « je peux réviser plus tard, demain… ». Elle sent une envie urgente de passer un coup de fil à une amie. Puis, elle doit regarder le fil d’actualité sur Instagram. « Vite fait ! ». Ah oui, aussi, il faut juste qu’elle réponde à un mail pour l’invitation à la fête d’anniversaire de Sarah dans deux semaines. Sans parler du repassage qui l’attend. Il y a plein de petites tâches très pressantes à faire. Ces tâches sont aussi plus faciles à faire, ne demandant pas des gros efforts. Pourquoi envahissent-t-elles son esprit alors qu’elle est sensée s’engager dans ses révisions.
Quand devient procrastiner un problème ?
Le report des tâches est un phénomène universel partagé par la plupart des individus. Bien qu’il génère du stress à moyen et long terme, procrastiner ou retarder une tâche est rarement associé à une souffrance psychologique majeure. Cependant, pour certaines personnes, la procrastination régulière peut devenir un pattern de comportement systématique. Alors, ce fonctionnement peut interférer avec leur vie quotidienne et entraîner des conséquences négatives sur les performances professionnelles ou scolaires. Ainsi, la vie familiale peut s’en trouver affectée. Par conséquent, à la longue, le stress généré peut avoir des répercussions sur la santé mentale (Pychyl et Flett, 2012).
Le comportement de procrastination peut faire l’objet d’un travail en thérapie. En effet, retarder constamment les obligations peut se transformer en trait de caractère et ainsi, persister au long de la vie.
Définition de la procrastination
Procrastiner est défini comme « retarder volontairement un comportement ou de faire une tâche bien que l’on s’attende à ce que ce soit pire plus tard à cause du retard » (Steel, 2007)
« Elle implique de savoir que l’on a besoin d’effectuer une activité ou prendre part à une tâche, et peut-être même de vouloir la faire, mais de ne pas réussir à se motiver à l’effectuer dans le délai souhaité ou prévu ».
Ackerman et Gross, 2005
Santé mentale et procrastination
La procrastination implique des difficultés à établir des priorités et à s’affirmer. Elle nécessite un choix actif entre des activités concurrentes, dans lesquelles l’une est évitée en faveur de l’autre. La procrastination se caractérise souvent par le choix d’une récompense immédiate ou l’évitement d’une expérience désagréable. Des études montrent que la procrastination s’accompagne d’une diminution du bien-être. Elle peut également générer une détresse et un mauvais fonctionnement mental et psychologique.
En effet, la recherche a clairement montré que la procrastination est liée à une mauvaise santé mentale, à l’anxiété, la peur d’évaluation négative, à la peur de l’échec et même à la prédisposition au suicide… Elle peut également être liée aux problèmes de régulation des émotions.
Les procrastinateurs chroniques procrastinent dans leur hygiène personnelle et courent le risque de développer ou aggraver des troubles physiques. Par exemple, en retardant les examens médicaux.
Expliquer la procrastination
La procrastination peut être expliquée dans un modèle de comportement. Elle associe un ensemble caractéristique de cognitions et de comportements qui entraînent le retard volontaire des tâches. Il y a plusieurs croyances dysfonctionnelles impliquées.
Le perfectionnisme socialement prescrit:
- “Tout doit être bien fait”
Des attentes irréalistes:
- “Je dois tout réussir”
- « Si je commence quelque chose je dois terminer »
Une faible estime de soi
- “Je suis faible”
- “Je n’y arriverai jamais”
- “Je suis nul”
Ces croyances ont été avancées comme explications possibles à la procrastination. Cela signifie que les procrastinateurs sévères s’engagent dans un type de pensées négatives. Ils s’inquiètent de ce qu’il y a à faire et qu’ils ne font pas.
Puis, la difficulté à achever une tâche donnée peut conduire à l’auto-accusation « je suis nul » et aux émotions de frustration, anxiété, colère ou dégoût. Certaines pensées facilitantes alimentent davantage la procrastination “j’ai autre chose à faire qu’à penser à faire ce que je ne fais pas”.
La procrastination et les études
La procrastination académique se développe lorsque les élèves se sentent menacés par les pensées négatives. Ces pensées peuvent se traduire par
- « Lire ce chapitre sera trop compliqué pour moi »
- « Je ne suis assez bon »
- « Je me sens stupide quand je ne comprends pas une tâche »
Les émotions comme l’anxiété et l’ennui surviennent lorsqu’ils envisagent de faire leurs devoirs. Avoir fréquemment ces pensées accompagnées d’émotions douloureuses peut se traduire par la construction d’une identité de « procrastinateur ». La personne pensera d’elle-même :
- « Je suis toujours en retard »
- « Je suis quelqu’un qui travaille à la dernière minute »
- « Il me faut de l’anxiété et du stress pour travailler ».
Avec l’objectif de supprimer cet état inconfortable, les personnes s’engagent dans des activités alternatives. Par exemple, regarder la télévision, passer du temps avec des amis, surfer sur internet. Ces activités suscitent des pensées et des états d’humeur plus agréables. L’évitement de ce qui est désagréable s’accompagne de pensées permissives : « J’ai le temps »
- « Je ferai cela plus tard ou demain »
- « Je suis trop fatigué pour le faire maintenant, j’ai mal à la tête »
Ces pensées justifient l’évitement, diminuant la culpabilité et donnent l’illusion que rien n’est perdu et que la tâche sera tôt ou tard réalisée.
Ces résultats sont cohérents avec la littérature démontrant les effets paradoxaux de l’évitement des pensées et émotions. Les tentatives d’évitement persistent parce qu’elles produisent souvent des avantages à court terme. Le soulagement d’un état psychologique et émotionnel désagréable. Mais à long terme, il y a une augmentation de la détresse. Procrastiner pour un étudiant est comme fumer pour un fumeur. Ce dernier fume pour diminuer l’inconfort physique de l’addiction. Une cigarette soulage immédiatement. Cependant, à moyen terme il s’inquiète, connaissant bien les risques de maladie plus tard.
Faire une thérapie pour la procrastination?
Une recherche sur l’efficacité du traitement des thérapies cognitive et comportementale montrent qu’un traitement, en 10 modules, proposé via internet permet de réduire la procrastination. Le traitement de la procrastination peut être engagé comme une dépendance. En effet, la personne est dépendante d’un soulagement immédiat. Le soulagement est obtenu par le retardement de la réalisation d’une tâche désagréable. La thérapie va aborder un examen des avantages et inconvénients de la procrastination. Cette balance permet de renforcer la motivation qui aidera la personne à trouver les ressources nécessaires pour mettre en œuvre de nouveaux comportements. Ici, ces derniers consistent à faire les choses rapidement et à apprendre découper des tâches fastidieuses en plusieurs étapes.
Quelques conseils
Voici quelques conseils à appliquer pour se battre contre la procrastination :
- Prendre conscience des pensées qui empêchent d’agir.
- Ne pas attendre la motivation pour agir.
- Ne pas remettre au lendemain ce qui peut être fait aujourd’hui.
- Se faire un plan d’action.
- Procéder par étapes.
- Évaluer pour chaque action la difficulté.
- Évaluer aussi la satisfaction qu’on pourra obtenir une fois la tâche effectuée.
- Faire soi-même l’avocat de la défense,
- Être indulgent (repérer les pensées autocritiques et les assouplir)
- Être fier avec soi-même et fier de ce qui a été fait.Accepter de ne pas tout faire en une fois, mais découper un gros travail en plusieurs tâches
En effet, procrastiner ou remettre à plus tard les tâches est un comportement très répandu chez la plupart des individus. Ainsi, il procure un soulagement car il évite la confrontation à une tâche pénible que la personne doit réaliser. Procrastiner peut devenir un style de vie, un trait de personnalité et engendrer beaucoup d’inconvénients. Les thérapies cognitive et comportementale, permettent d’en prendre conscience et apporter les changements nécessaires pour une amélioration rapide.