Le rôle des émotions et de la peur
Nos émotions – colère, peur, joie.. – ont toutes une fonction et certaines sont indispensables à notre survie. A travers celles-ci, nous sommes en mesure de reconnaître ce qui est bon pour nous de ce qui est mauvais. En d’autres termes, les émotions sont les guides de notre vie et jouent un rôle très important dans le développement psychologique de chacun.
Par exemple, la colère survient majoritairement lorsque nous avons le sentiment que nos droits ont été bafoués ou qu’un obstacle injuste entrave notre chemin et qu’il faut se défendre. Par exemple, quelqu’un nous passe devant dans le fil d’attente aux caisses au supermarché.
Sur un autre versant, la joie nous indique quelque chose de bon pour nous, pour notre organisme ainsi que pour la survie de notre espèce. Seule famille d’émotions recherchée activement par notre cerveau, elle nous permet d’apprécier un moment, un cadeau, de savourer un plat et même de créer du lien avec autrui.
Puis, la peur dispose elle aussi d’une fonction. Elle consiste à nous préparer à fuir ou combattre un danger imminent après évaluation de nos capacités à y faire face. Cette émotion est donc très importante à notre survie, nous évitant de nous retrouver dans des situations dans lesquelles nous ne pourrions pas faire face et qui sont dangereuse. Par exemple : si on se trouve face à face avec une bête sauvage, on aura plutôt tendance à fuire ou la peur nous indique que courir au milieu de l’autoroute peut être très dangereux.
Cependant, une émotion peut aussi être déclenchée en fonction de notre interprétation d’une situation. Ainsi, une personne peut éprouver de la peur dans une certaine situation alors qu’une autre personne vivrait cette même situation avec un tout autre vécu émotionnel. Par exemple, certains ont très peur des araignées alors que d’autres non. Cela est principalement dû à notre évaluation des stimuli et nos expériences antérieures. La question étant: comment apprenons-nous à réagir face aux situations et nos émotions ?
Comment apprenons-nous à réagir ?
Au cours de notre vie, nous allons apprendre par différents moyens. Le premier d’entre eux consiste à faire une association entre deux stimuli. Par exemple, dans un moyen de transport, associer la sonnerie à la fermeture des portes, ou encore une situation à une émotion, par exemple, la vue de mon enfant qui rit me donne de la joie. C’est ce que l’on appelle le conditionnement classique.
Le second concerne l’association d’un comportement avec la conséquence positive ou négative qu’il en résulte. Lorsque nous sommes punis après avoir bavardé en classe ou que nous sommes récompensés après avoir fourni du bon travail, nous procédons à une évaluation des conséquences. Celles-ci auront pour effet d’augmenter ou de diminuer la probabilité que nous reproduisions le même comportement à l’avenir. Ce principe d’apprentissage est appelé le conditionnement opérant.
Enfin, nous apprenons à agir avec notre environnement par l’observation de nos parents ou nos pairs. Contempler une personne vivant quelque chose de positif ou négatif et comment il y répond peut nous inciter à suivre ou ne pas suivre son exemple. Notre mère nous alertant du danger de s’approcher de l’eau ou si on se balance sur un mur haut peut nous apprendre à évaluer ces situations comme dangereuses. Aussi, voir une personne se mettre en danger ou avoir un accident peut donc influencer nos comportements futurs. C’est ce que l’on nomme le conditionnement vicariant.
A travers ces apprentissages, notre cerveau va intégrer les différentes expériences et comment y répondre. Il va puiser dans les différentes informations qu’il aura emmagasiné en mémoire et sélectionner une réponse qu’il estimera adaptée face à une situation, un contexte ou une émotion. C’est dans ce tableau que nous apprenons à appliquer un type de comportement pour faire face à des situation qui nous font peur : l’évitement comportemental.
Qu’est-ce que l’évitement comportemental ?
L’évitement comportemental est une conduite, parfois non intentionnelle, permettant à une personne de se soustraire à une détresse ou une douleur. Il s’agit d’une réaction de fuite permettant de soulager rapidement et temporairement un état ou une situation désagréable. L’évitement peut être d’ordre cognitif (éviter de penser à certaines choses), émotionnel (éviter de vivre certaines émotions ou sensations) ou contextuel (éviter des lieux, des personnes ou des situations).
Par exemple, si on a peur des chiens, cela va consister à ne pas s’approcher des lieux où on pourrait éventuellement trouver des chiens, tels que des parcs, ou si on a peur d’être malade, ne pas penser à un rendez-vous.
Fondamentalement, cette réponse comportementale apprise peut se révéler fonctionnelle à court terme, en raison du soulagement immédiat de l’état interne d’inconfort. Cependant, comme nous l’avons vu, ce soulagement n’est que temporaire la plupart du temps. Lorsque cette réponse devient prédominante et rigide, elle est même susceptible de renforcer les difficultés et la peur. Mais comment cela se fait-il ?
Comment l’évitement comportemental renforce la peur ?
L’attrait de l’évitement comportemental représente également son inconvénient, en effet, il permet d’éliminer l’inconfort c’est dire l’émotion désagréable immédiatement. Mais cela n’est que temporaire. Le comportement d’évitement donne l’impression de se protéger de la peur ou des stimuli anxiogènes. En même temps, il nous empêche d’affronter ces mêmes situations, ainsi il ne résout donc pas le problème. Pour notre cerveau, plus un contexte ou une situation est évité activement, plus il les considère comme dangereux. Nous nous retrouvons alors en présence d’un cercle vicieux comme celui-ci :
Résumons l’ensemble des informations que nous avons :
Nous sommes face à un stimulus : une situation, un lieu, un contexte ou une personne, que nous évaluons comme dangereux. Cela déclenche la peur (conditionnement classique entre le stimulus et l’émotion) et nous prépare à fuir ou combattre le stimulus. Notre cerveau va sélectionner la réponse estimée comme la plus adaptée en tenant compte des expériences antérieures (conditionnement opérant et/ou vicariant). En l’occurrence, nous choisissons la fuite et donc l’évitement.
Cette réponse va nous permettre de soulager rapidement la tension que nous éprouvons. Par la suite, notre cerveau va considérer que notre réponse s’est avérée efficace pour apaiser rapidement l’état d’inconfort causé par la peur et renforcer la probabilité de reproduire le comportement d’évitement face à ce stimulus afin de reproduire ces effets immédiats positifs (conditionnement opérant).
Ce pattern va augmenter la perception du danger que représente le stimulus et être mémorisé à son tour. Lorsque ce stimulus ou l’émotion de peur réapparaîtra, l’intensité émotionnelle sera d’autant plus forte et nous aurons donc davantage tendance à choisir l’évitement plutôt qu’une autre réponse.
Comme nous l’avons vu, ce processus peut être adapté dans certaines situations, telles que fuir une bête sauvage, ne pas traverser une autoroute, éviter de toucher un serpent.
Parfois, lorsque le comportement d’évitement est utilisé dans des situations n’ayant pas vraiment un aspect dangereux ce registre comportemental perd son statut d’efficacité s’il devient la réponse prédominante. En effet, il ne permet pas de résoudre le problème originel, ni d’apprendre à surmonter sa peur.
Combiné à une peur omniprésente d’un ou plusieurs stimulis, ce mode de fonctionnement va amplifier les difficultés et peut devenir source d’un profond mal être. Par ailleurs, les travaux scientifiques ont également montré que plus nous recherchons consciemment à éviter quelque chose (que ce soit une pensée, une situation ou une émotion), plus celle-ci reste présente dans notre conscience. En effet, pour veiller à éviter des stimulis, nous devons nécessairement les garder en tête et donc y prêter plus d’attention. Nous devenons hypervigilants. Les conséquences sont multiples, allant d’un état de tension permanent, à l’intensification de la peur et le développement éventuel de phobies.