La prophétie auto-réalisatrice du rejet social, comment la défaire?

La prophétie auto-réalisatrice du rejet social dans l’anxiété sociale

Avoir une faible estime de soi implique des croyances telles que « je suis inférieur », « je ne suis pas intéressant » ou « je suis incompétent ». Ces croyances accompagnent souvent l’anxiété sociale et le rejet sociale. Par conséquent, une personne souffrant d’anxiété sociale craint les contextes sociaux. Elle a peur d’être jugée, évaluée, désapprouvée et rejetée. Cette peur induit souvent des attitudes et comportements froids et distanciés. En effet, la personne a un sentiment d’insécurité relationnelle et elle repousse (sans le vouloir) les autres. Par sa façon d’agir, la personne anxieuse sociale ne crée pas un contexte bénéfique pour être appréciée et établir des liens avec d’autres personnes. Cependant, elle en souffre car son désir est celui de connecter avec les autres et de faire partie du groupe.   

C’est une des tristes ironies des anxieux sociaux dans les relations sociales. Des chercheurs l’ont appelée « la prophétie auto-réalisatrice du rejet ». Elle peut s’illustrer ainsi : Thomas croit à tort que Marie ne l’aime pas, alors il l’ignore. En réponse, Marie snobe Thomas, qui conclut ensuite sur la base du comportement froid de Marie qu’il avait raison dans sa conviction initiale qu’elle ne l’aime pas. L’inverse est également vrai : si Thomas pense que Marie l’aime bien, il se comportera d’une manière qui la poussera à l’apprécier. Des chercheurs ont démontrée cette prophétie expérimentalement en incitant les participants à croire qu’une personne les aime ou les déteste.

Cependant, la triste ironie de la prophétie se révèle dans la vie des personnes ayant une faible estime de soi et dans l’anxiété sociale. Celles-ci sont naturellement préoccupées par l’acceptation des autres. Cependant, malgré leur volonté, elles se comportent souvent d’une manière qui entraîne le rejet. Ce phénomène renforce malheureusement l’insécurité chez ces dernières et mine leur bien-être. 

L’insécurité relationnelle induit le rejet social

Stinson et coll. (2009) ont découvert les mécanismes comportementaux sous-jacents à la prophétie de rejet. Ils ont démontré que l’insécurité relationnelle se traduit par un comportement social tendu. L’insécurité relationnelle est un manque de confiance en soi, de sa capacité à être apprécié par les autres. Elle inhibe la chaleur sociale qui permet justement de lier relations aux autres. Cela entraîne à son tour une attitude froide de la part des autres ce qui renforce encore l’insécurité relationnelle. La prophétie de rejet semble résulter du sentiment d’infériorité associé à la croyance « je suis inférieur ». Cette croyance se traduit par une motivation auto-protectrice. En effet, on pourrait avoir des croyances intermédiaires telles que « afin de ne pas souffrir, je préfère de pas être proche des autres » ou « si ils s’approchent de moi, ils vont voir que je suis nul ». Ces pensées poussent à éviter les situations sociales dans lesquelles le rejet est craint et anticipé.

Cependant, les recherches de Stinson et coll. et de Cameron et coll. ont permis de démontrer que les individus anxieux sociaux sont capables de se comporter de manière détendue, calme et positive, lorsque les indices sociaux suggèrent que le risque de rejet est réduit. La présence de cette capacité latente suggère qu’il pourrait être possible de réécrire la prophétie de rejet typique vécue par des individus chroniquement anxieux sociaux. Dans une étude, des chercheurs ont essayé de faire exactement cela. 

Les valeurs pour améliorer l’affirmation de soi

En effet, les chercheurs ont proposé une intervention ponctuelle afin d’améliorer la sécurité relationnelle et le comportement social. En d’autres termes, ils ont tenté de réécrire la prophétie de rejet social en atténuant l’insécurité relationnelle. L’objectif était de supprimer le comportement social tendu.

Les tâches proposées aux participants de l’étude impliquaient un travail sur les valeurs personnelles. Les personnes devaient réfléchir à leurs valeurs en classant différents valeurs dans un ordre de préférence. Ensuite, elles devaient expliquer pourquoi les premières valeurs de leur liste étaient si importantes pour elles. Ce type de tâche nourrit l’image de soi et renforce le sentiment que le soi est bon, juste et efficace.

On peut dire que les relations interpersonnelles sont un champ de mines d’auto-menaces potentielles. Elles vont de la désapprobation au rejet pur et simple. Ces menaces sont perçues comme particulièrement importantes pour les individus ayant une faible estime de soi. Ces derniers y sont particulièrement attentifs et vigilants. N’oublions pas que l’hyper-vigilance et l’attention sélective des anxieux sociaux font qu’ils remarquent plus facilement des menaces relationnelles telles que la désapprobation et le rejet

Désensibilisation contre menaces sociales

Avec leur intervention centrée sur les valeurs, les chercheurs ont voulu désensibiliser les participants contre les menaces sociales. La mise en mémoire tampon de leurs valeurs améliorait la sécurité relationnelle et leur comportement social. Ils avaient ainsi moins de réactions à l’auto-menace du rejet social.

Les chercheurs visaient à identifier un nouveau moyen d’améliorer la sécurité relationnelle et ainsi défaire la spirale descendante de la performance sociale. Ils ont démontré qu’il est possible de réécrire la prophétie de rejet. Ainsi, les anxieux sociaux à l’aide d’une intervention basée sur les valeurs personnelles ont été aidés. Cela peut être considéré comme un moyen nouveau et fiable d’améliorer la sécurité relationnelle sur le long terme.

Une meilleure capacité d’autorégulation

Des recherches futures devraient examiner les mécanismes potentiels pour expliquer pourquoi ce travail sur les valeurs profite à la sécurité relationnelle et au comportement social. Une piste à explorer est de savoir si la capacité d’autorégulation joue un rôle dans la protection des individus anxieux sociaux contre les auto-menaces. Schmeichel et Vohs (2009) ont démontré qu’une réflexion sur les valeurs engendre un accès à des niveaux supérieurs de construction mentale de soi. En effet, de tels changements amélioreraient les capacités d’autorégulation. Par conséquent, il est possible que dans la recherche rapportée ici, l’idée sur soi à travers les valeurs de soi ait tamponné les capacités d’autorégulation des individus anxieux sociaux. Ce tampon leur ait permis de passer outre les réactions inadaptées aux menaces de soi. Ils ont pu se comporter de manière à améliorer les relations. 

Comment intégrer ce travail au cours d’une thérapie

La HAS préconise une prise en charge de thérapie comportementale et cognitive pour soigner l’anxiété sociale. Au cours d’une thérapie comportementale et cognitive, le patient peut également être amené à réfléchir sur ses valeurs. « Qu’est-ce qui est important pour vous? » et « Qui est important pour vous? » sont des questions qui peuvent être posées. Chaque personne a des valeurs qui lui sont personnelles.

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