Parmi les approches « émergentes » qui ont suscité l’intérêt des experts en santé mentale, l’activation comportementale s’est avérée être une stratégie thérapeutique polyvalente qui mérite une attention particulière. Cependant, cette approche n’est pourtant pas récente, puisqu’elle a ses origines dans les années 70. Initialement développée pour traiter la dépression, elle montre aujourd’hui des résultats prometteurs dans la gestion d’autres troubles tels que l’anxiété, les troubles alimentaires, les addictions et la douleur chronique.
L’activation est le mécanisme de changement dans l’Activation Comportementale
Conformément aux premiers écrits théoriques de Skinner, 1953, Ferster, 1958, 1973, et Lewinsohn, 1974 la théorie comportementale de la dépression postule que le contact réduit avec des sources stables de renforcement positif est un facteur de maintien de la dépression. En effet, nos patients dépressifs font très peu d’activités « plaisir », c’est-à-dire des comportements ayant comme conséquences des renforçateurs positifs.
Vignette clinique
« Je ne vais plus à la danse, je suis trop fatiguée, je préfère garder mon énergie pour ce qui est obligatoire : le travail. Quand mes amis m’appellent pour proposer des activités je décline pour la même raison. Aussi je me dis que je suis une mauvaise compagnie, je ne veux pas qu’ils me voient dans cet état, parfois je ne leur réponds même pas au téléphone »
Plus précisément, Lewinsohn (1974) a proposé que les personnes dépressives connaissent des réductions ou des niveaux faibles (chroniques) de renforcement positif. La perte de contact avec le renforcement positif entraîne des réactions émotionnelles négatives (Kanter et al., 2009). De plus, les comportements dépressogènes sont probablement maintenus par le renforcement négatif.
Vignette clinique
« J’ai déménagé depuis un an. Dans ma nouvelle ville, je ne connais personne, par conséquent, je ne sors plus. Je reste chez moi. Moi, qui sortais tout le temps avant, j’étais toujours dans une soirée, au théâtre ou simplement avec mes amis. »
Vignette clinique
« Depuis ma blessure je ne peux plus faire du sport, j’avais entrainement 4 fois par semaine. Je ne peux plus participer aux activités en plein air avec mes amis. Je dois rester allongé souvent pour encore 4 mois. »
De plus, les personnes dépressives connaissent également des niveaux accrus de punition, c’est-à-dire des conséquences négatives directement liées à un comportement qui rendent ce comportement moins susceptible de se reproduire à l’avenir.
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« Au travail, mon manager est en permanence sur mon dos, il critique ce que je fais, comment je parle, même comment je m’habille. J’ai tout essayé pour qu’il soit satisfait de moi. En même temps, je ne peux pas quitter ce travail, il est vital pour moi. »
Vignette clinique
« Chaque fois que je me mets debout, j’ai mal au dos, cette douleur qui me lance est insupportable, je bouge de moins en moins. »
Augmenter les renforçateurs positifs pour améliorer l’affect
rSelon la théorie comportementale, augmenter la fréquence des comportements susceptibles de recevoir un renforcement positif est suivi d’une augmentation de l’affect positif. À mesure que ces comportements sont récompensés, leur fréquence augmente. Par conséquent, cela crée ainsi un cycle de renforcement positif. L’apprentissage basé sur la récompense s’améliore à mesure que les patients apprennent quels comportements sont susceptibles d’être renforcés. Aussi, la motivation à s’engager dans des comportements, augmente à mesure que le potentiel de récompense devient plus probable. Lorsque la motivation et le plaisir augmentent, les symptômes d’anhédonie diminuent.
L’Activation Comportementale est associée à une augmentation de comportements orientés vers des objectifs autodéclarés et valorisés. En effet, la personne identifie les activités qui lui font du bien et peuvent associer celles-ci à des valeurs significatives pour elle. La mise en place et l’atteinte des objectifs autodéclarés cohérents permettent une amélioration de l’affect. En fait, l’Activation Comportementale est associée à une augmentation de la fréquence des expériences gratifiantes.
Il est important de noter que bien qu’un mécanisme présumé d’Activation Comportementale soit celui de l’activation, tel que décrit ci-dessus, l’Activation Comportementale ne se concentre pas exclusivement sur l’augmentation des niveaux d’activité. Elle incorpore également diverses d’autres techniques (par exemple, les compétences de résolution de problèmes, la pleine conscience et l’acceptation.)
Soutien empirique de la prépondérance temporelle
L’Activation Comportementale a été théorisé comme conduisant à des améliorations cliniques en raison de l’augmentation de l’activation. Cependant, la preuve d’un lien entre l’augmentation d’Activation Comportementale et la diminution des symptômes de la dépression a été largement corrélative ou transversale. Le peu d’études longitudinales qui se sont intéressé à la relation temporelle entre l’activation et les symptômes sont récentes. Or, il est très intéressant de noter que l’activation comportementale est médiatrice agissant sur les symptômes dépressifs. Les études ont mis en avant, que la disponibilité de récompenses à un moment précis prédisait les symptômes dépressifs plusieurs mois après. En fait, plus une personnes est active et impliqué dans des activités ayant commes conséquences de renforçateurs positifs, moins elle est à risque de développer une dépression (Dimidjian et al., 2017; Hill et al., 2017).
La réalisation de tâches en tant que composante de l’activation
La réalisation de tâches dans le traitement de l’Activation Comportementale serait une composante primordiale du mécanisme présumé de changement de l’Activation Comportementale (Busch et al., 2010). En effet, des recherches trouvent des liens entre la prescription de tâches et le changement de la symptomatologie dépressive (par exemple, (Busch et al., 2010). Certains ont proposé que la réalisation de tâches puisse amener les individus à avoir un contact accru avec des événements gratifiants (Addis & Jacobson, 2000), tandis que d’autres supposent que l’achèvement des tâches peut refléter l’ouverture au changement des patients ou une remobilisation et une augmentation de l’espoir (Ilardi & Craighead, 1994). En résumé, l’Activation Comportementale est une approche contemporaine de la psychologie comportementale qui met l’accent sur l’augmentation d’activités significatives dans la vie des individus pour améliorer leur humeur et leur qualité de vie. Il s’appuie sur la théorie comportementale, qui suggère que la réduction du contact avec le renforcement positif maintient la dépression. L’Activation Comportementale vise à augmenter les comportements guidés par les valeurs pour augmenter le renforcement positif et à réduire les comportements d’évitement.
Bibliographie
Addis, M. E., & Jacobson, N. S. (2000). A closer look at the treatment rationale and homework compliance in cognitive-behavioral therapy for depression. Cognitive Therapy and Research, 24(3), 313‑326. https://doi.org/10.1023/A:1005563304265
Busch, A. M., Uebelacker, L. A., Kalibatseva, Z., & Miller, I. W. (2010). Measuring homework completion in behavioral activation. Behavior Modification, 34(4), 310‑329. https://doi.org/10.1177/0145445510373384
Dimidjian, S., Goodman, S. H., Sherwood, N. E., Simon, G. E., Ludman, E., Gallop, R., Welch, S. S., Boggs, J. M., Metcalf, C. A., Hubley, S., Powers, J. D., & Beck, A. (2017). A pragmatic randomized clinical trial of behavioral activation for depressed pregnant women. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 85(1), 26‑36. https://doi.org/10.1037/ccp0000151
Ferster, C. B. (1958). Intermittent reinforcement of a complex response in a chimpanzee. Journal of the Experimental Analysis of Behavior, 1, 163‑165. https://doi.org/10.1901/jeab.1958.1-163
Ferster, C. B. (1973). A functional analysis of depression. American Psychologist, 28(10), 857‑870. https://doi.org/10.1037/h0035605
Hill, R. M., Buitron, V., & Pettit, J. W. (2017). Unpacking response contingent positive reinforcement : Reward probability, but not environmental suppressors, prospectively predicts depressive symptoms via behavioral activation. Journal of Psychopathology and Behavioral Assessment, 39(3), 498‑505. https://doi.org/10.1007/s10862-017-9600-3
Ilardi, S. S., & Craighead, W. E. (1994). The role of nonspecific factors in cognitive-behavior therapy for depression. Clinical Psychology: Science and Practice, 1(2), 138‑156. https://doi.org/10.1111/j.1468-2850.1994.tb00016.x
Kanter, J. W., Busch, A. M., & Rusch, L. C. (2009). Behavioral activation : Distinctive features (p. xiv, 184). Routledge/Taylor & Francis Group.
Lewinsohn, P. M. (1974). A behavioral approach to depression. In The psychology of depression : Contemporary theory and research (p. xvii, 318‑xvii, 318). John Wiley & Sons.
Skinner, B. F. (1953). Science and human behavior (p. x, 461). Macmillan.
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