La conceptualisation de la problématique dans la thérapie ACT
La conceptualisation du cas en thérapie d’acceptation et d’engagement (thérapie ACT) s’intéresse particulièrement aux comportements problématiques. Souvent désignés comme « comportements de lutte », ils représentent les stratégies mises en place par le patient pour contrôler, réduire ou supprimer leur souffrance. Ces comportements de lutte jouent un rôle central dans l’inflexibilité psychologique car ils maintiennent et amplifient la souffrance de l’individu. Par exemple, les évitements comportementaux dans les troubles anxieux ne font qu’aggraver le trouble et la souffrance.
Certaines questions posées par le thérapeute revêtent une importance particulière, car elles révèlent l’évitement expérientiel et expliquent comment celui-ci se traduit en comportements.
« Que faites-vous pour tenter de contrôler ou réduire l’anxiété ? »
« Que faites-vous pour ne pas ressentir la tristesse ? »
Ces questions sont complétées par des questions relatives aux valeurs, qui permettent de mettre en évidence l’écart entre la vie actuelle de l’individu et la vie qu’il souhaiterait avoir.
« Comment agiriez-vous si l’anxiété n’était plus présente ? »
« Qu’est-ce que vous feriez différemment si vous n’étiez pas triste ? »
Les réponses à ces questions fournissent au thérapeute des informations essentielles. Celles-ci permettent la planification du traitement, tout en aidant progressivement le patient à prendre conscience des fonctions des comportements.
L’ACT s’appuie sur le contexualisme fonctionnel pour comprendre le comportement. Le contextualisme soutient que la seule manière de véritablement appréhender un comportement réside dans l’analyse du contexte dans lequel il se produit. Ainsi, ce cadre représente l’ensemble des éléments et des situations qui englobent et influencent un comportement donné. Ces éléments et situations peuvent inclure des aspects spatiaux, temporels, situationnels, personnels, sociaux, culturels, écologiques, historiques, et bien d’autres.
Le consentement en thérapie ACT
Avant de débuter la thérapie, il est important d’introduire la thérapie ACT au patient et d’obtenir son consentement. Cette étape doit permettre de présenter les implications de l’ACT, ainsi que les avantages et les défis associés à cette approche. Il est crucial de discuter des rôles du thérapeute et du patient pour assurer un engagement actif du patient dans le travail thérapeutique.
Voici comment nous pouvons aborder cette étape :
« J’utilise une approche qui pourrait vous aider, appelée Thérapie d’Acceptation et d’Engagement, ou ACT. C’est une thérapie fondée sur des preuves. Elle a été bénéfique pour de nombreuses personnes souffrant d’anxiété, similaire à la vôtre, et d’autres troubles émotionnels. Il est difficile de décrire cette approche à l’avance, car elle s’apprend en pratiquant. »
« L’ACT se distingue d’autres approches thérapeutiques. Au lieu de se concentrer sur la lutte contre l’anxiété ou d’autres émotions, nous souhaitons vous aider à sortir de cette lutte, à abandonner la lutte, en quelque sorte. Pour réussir à cesser la lutte, nous allons développer de nouvelles compétences. D’un côté, ces compétences visent à mieux gérer l’anxiété, d’autres émotions et les pensées, de manière à ce qu’elles ne constituent plus un problème dans votre vie. D’un autre côté, nous chercherons à clarifier ce qui compte vraiment pour vous dans votre vie, afin de vous rapprocher de la vie que vous souhaitez mener. »
Après avoir obtenu le consentement, la prochaine tâche thérapeutique consiste généralement à modifier le fonctionnement actuel du patient. Cela implique de prendre conscience des réactions et des croyances du patient concernant ses expériences intérieures (pensées, émotions, sensations, souvenirs, images, etc.) avec lesquelles il lutte. Ce processus vise à identifier comment les efforts de contrôle se traduisent en une gamme de comportements. Lorsque nous explorons ces comportements de lutte, il est essentiel d’adopter une attitude curieuse, ouverte et bienveillante tout en normalisant les efforts de contrôle du patient.
« Parfois, la souffrance peut être tellement intense que nous ne pensons pas avoir d’autres choix que de lutter contre… »
L’exploration des comportements
« Vous avez essayé de prendre des médicaments pour ne plus ressentir de l’anxiété, de manger pour vous sentir mieux, de faire du yoga pour réduire le stress, de faire du shopping pour éviter de penser à la tristesse, de vous distraire pour ne pas entrer en contact avec la tristesse, de rechercher la réassurance auprès de vos amis et de penser de manière positive pour faire disparaître l’anxiété. Ces méthodes font-elles partie de vos stratégies pour échapper à vos émotions ou pensées ? »
« Dans quelle mesure ces méthodes ont-elles fonctionné à court terme pour contrôler l’anxiété ? »
« Beaucoup d’entre elles ne fonctionnent pas. Par exemple, se faire rassurer par les autres fonctionne temporairement, mais l’anxiété revient souvent. Les médicaments aident, mais ne suppriment pas l’anxiété, bien que les moments les plus graves soient moins intenses. »
« Et dans quelle mesure ont-elles fonctionné à long terme pour éliminer ou réduire l’anxiété ? »
« Aucune de ces méthodes ne fonctionne à long terme. Mais je ne sais pas comment je pourrais fonctionner sans elles. »
« Il semble que votre esprit ne cesse de vous répéter : ‘Tu dois maîtriser ton anxiété, et ces méthodes devraient fonctionner.’ »
« Oui, c’est ça. J’ai essayé tant de choses qui ‘devraient’ fonctionner. »
« Normalement, lorsque nous faisons des efforts pour résoudre un problème, nous arrivons à le résoudre. Mais il semble qu’il y ait quelque chose de différent en ce qui concerne l’anxiété, car plus vous faites d’efforts pour la réduire, plus elle augmente ».
Les répercussions des stratégies de contrôle sur les valeurs doivent être approfondies. En effet, les patients ne sont pas conscients que les comportements de lutte les éloignent de leurs valeurs. La fusion cognitive peut être ciblée en explorant pourquoi l’esprit humain se concentre autant sur la résolution de problèmes. Aussi, dans quelle mesure la résolution fonctionne dans plein de domaines de notre vie (mais pas dans le domaine émotionnel…).
Les exercices et les métaphores
Les exercices expérientiels sont fréquemment utilisés en thérapie ACT pour mettre les patients en contact avec leurs expériences émotionnelles et les aider à se distancier de leurs pensées. Les métaphores illustrent l’inefficacité des efforts de contrôle et leurs effets sur la vie en général. Par exemple, la métaphore de « la Tante Irma » peut être utilisée et changée afin de correspondre à l’histoire et les difficultés du patient.
Lorsque les métaphores sont spécifiques et adaptées pour illustrer les difficultés particulières du patient, elles aident à créer des prises de conscience et à changer de perspective. Par exemple, la métaphore des « sables mouvants » peut être proposée.
La métaphore des sables mouvants
« Lorsque les gens se retrouvent dans des sables mouvants, la plupart ont tendance à s’agiter instinctivement. C’est comme s’ils se battaient avec le sable pour s’en sortir. Cependant, les sables mouvants ont des propriétés particulières. Plus on s’agite et lutte, plus on s’enfonce rapidement. En cas de chute dans les sables mouvants, quelle serait la meilleure stratégie ? »
« S’étaler, ouvrir les bras bien larges pour augmenter la surface de contact. »
« Lorsque vous tombez dans l’inquiétude ou la tristesse, quelle est votre réaction instinctive ? »
Cet article résume comment présenter ACT à son patient en quelques points essentiels. Les séances suivantes seront consacrées à développer l’acceptation et la défusion. Une fois celles-ci abordées, une séance consacrée aux valeurs pourrait avoir lieu. Le questionnaire des valeurs (VLQ) peut aider à cette réflexion. Déterminer les valeurs conduit ensuite à la mise place des engagements comportementaux hebdomadaires. La thérapie se poursuit avec des engagements comportementaux lié aux valeurs tout en s’appuyant sur l’acceptation, la défusion, le soi en tant que contexte et une attention flexible au moment présent. Une thérapie ACT est généralement validée sur une durée de 10 à 12 séances.
En savoir plus sur la thérapie d’acceptation et d’engagement
Twohig, M. P., Ong, C. W., Krafft, J., Barney, J. L., & Levin, M. E. (2019). Starting off on the right foot in acceptance and commitment therapy. Psychotherapy, 56(1), 16‑20. https://doi.org/10.1037/pst0000209