La souffrance des personnes âgées pendant l’été – comment les accompagner

Cet article a été écrit par Florence Betito, psychologue formée aux TCC de l’équipe Psy.link. Elle consulte sur rendez-vous sur Psy.link.

 « L’été arrive et la vie devient facile »

(Ira Gershwin, 1896-1983)

Cette invitation à la légèreté, à la fluidité et au lâcher prise de Gershwin ne semble pas faire écho pour tous. 

En effet, pour beaucoup de personnes âgées, l’été est souvent synonyme de solitude et de perte de repères: les départs en vacances des proches et des voisins, la pause estivale des activités associatives, les congés annuels du corps médical (kinésithérapeute, médecin généraliste etc.). 

Ainsi certaines angoisses accompagnées de symptômes dépressifs déjà présents à bas bruit ont tendance à se développer en intensité et en sévérité. 

Les angoisses des personnes âgées

Comme le souligne Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz (novembre 2019), les angoisses les plus répandues chez nos ainés sont :

  • L’angoisse de mort relative à l’avancée en âge et à la perte de proches d’un âge similaire ; 
  • L’angoisse d’incompétence du fait de la diminution des performances cognitives ou physiques ;
  • L’angoisse vespérale ou angoisse du soir, qui arrive à la tombée de la nuit et qui se manifeste par  un état d’inquiétude excessive, difficile à calmer.

Les personnes âgées ont droit d’être aidées

Que ce soit pour limiter les conséquences économiques ou pour répondre à un élan de solidarité envers nos ainés, il semble de plus en plus difficile de passer à côté de la nécessité de traiter les maladies mentales chez la personne âgée. 

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) insiste sur l’importance de la prise en charge des personnes âgées souffrant de troubles mentaux ainsi que de leurs aidants et de leur famille en leur apportant le soutien et la formation nécessaire à la gestion du quotidien (2017).  

Et pour cause ! Selon l’OMS, plus de 20% des adultes de 60 ans et plus souffrent d’un trouble de santé mentale. Par ailleurs, de 2015 à 2050, la proportion de personnes de plus de 60 ans va pratiquement doubler, passant de 12% à 22%. Rappelons que la France compte aujourd’hui 15 millions de personnes de 60 ans et plus dont près d’1,4 millions de personnes de 85 ans et plus.

Le vieillissement n’est pas une maladie

Aussi bien les professionnels de santé que les personnes âgées elles-mêmes en passant par leurs proches attribuent, souvent à tort et par méconnaissance, les problèmes de santé mentale au vieillissement « naturel ».  Cette confusion entre vieillissement normal et troubles de l’humeur et anxieux retarde la demande d’aide.

En outre, malgré les recommandations de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie qui invitent à traiter rapidement et efficacement les troubles de l’humeur pour en limiter les conséquences lourdes, la stigmatisation des maladies mentales augmente la réticence des personnes concernées à consulter. 

Enfin, à cela s’ajoute la pandémie de 2020 et 2021(et …). Les personnes âgées sont les principales victimes de la Covid-19.  Jérôme Guedj (Avril 2020), missionné pour réfléchir à des mesures concrètes de lutte contre l’isolement des personnes âgées, affirme qu’aujourd’hui la France « doit penser son action avec un œil de vieux, avec un œil de fragile ». 

Quelles sont les spécificités de la souffrance des personnes âgées ?

Les différents contextes évoqués jusqu’ici, activent chez de nombreux sujets âgés plusieurs schémas cognitifs inadaptés,  qui produisent beaucoup de détresse, parmi lesquels : l’abandon (« je suis seul, personne ne s’occupe de moi »), la dépendance (« je ne peux pas me débrouiller seul »), le désengagement (« ça ne sert à rien »), la perte d’individualité (« on me traite comme un vieux, je suis comme tous les vieux ») et la vulnérabilité (« je suis fragile et faible ») (Kindynis et al. 2013). 

Comme le souligne Sophie Kindynis et al. (2013), le vécu dépressif et anxieux de certaines personnes âgées pourrait être le revers de la médaille de la diminution de l’estime de soi due au sentiment perçu ou réel de perte d’autonomie et de valeur sur le plan social (perte d’individualité) ainsi qu’à l’expérience parfois douloureuse de la dépendance, accompagnés d’une culpabilité de devoir solliciter l’aide des autres (refus d’assistance). 

Ainsi, l’apparition du schéma de vulnérabilité, qui conduit à la stratégie du verre à moitié vide (voir que le côté négatif) et à l’anticipation de scénarii catastrophes (« tout va mal se passer, je vais rater »), pourrait également venir de cette autodépréciation. 

En définitive, le sujet âgé entre dans une sorte de cercle vicieux dans lequel il prend de moins en moins d’initiative (désengagement), évite les contacts (isolement social) qui augmente le vécu d’abandon. Moins de réussites donc, puisque moins d’initiatives, qui alimentent une idée de soi négative. 

Face à ces constats, que pouvons-nous faire ? 

Plusieurs professionnels de la santé mentale préconisent l’approche des thérapies cognitives et comportementales (TCC) dans la prise en charge et le traitement des troubles du sujet âgé. Elles sont efficaces dans la prise en charge de la dépression et de l’anxiété.

Selon Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz (SFGG, 2019), spécialisée en gérontologie, l’utilisation des TCC aiderait les personnes âgées à : 

  • enrayer leurs troubles de l’humeur et plus spécifiquement leur état dépressif et leurs angoisses ;
  • apprivoiser leurs émotions, notamment par un travail sur les pensées et les comportements ;
  • traiter certains troubles de la personnalité, relatifs à des pathologies mentales vieillissantes. 

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Jérôme Palazzolo (2019, 2020), médecin psychiatre, confirme également que l’approche TCC convient très bien à la personne âgée, en axant la prise en charge avant tout sur une relation thérapeutique de qualité et la remise en question de fausses croyances en matière de pathologie psychique. (Blog Psycho Info, Mars 2019)

De même avis Sophie Kindynis, psychologue au sein du service universitaire de psychiatrie de l’adulte et du sujet âgé de l’AP-HP, pour qui les psychothérapies cognitivo-comportementales étaient particulièrement recommandées dans le traitement de la dépression du sujet âgé (juillet 2013). Plus précisément, son étude montre qu’une prise en charge via la thérapie des schémas permet à la fois une diminution significative de l’activation de schémas et une baisse également significative des niveaux de dépression et d’anxiété, accompagnée d’une restauration de l’image de soi et d’un engagement dans les activités, les relations et l’avenir. 

Il y a-t-il des spécificités dans la prise en charge des personnes âgées ? 

Plus que des spécificités, nous parlerons de précautions et d’ajustements. 

Par exemple, Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz (novembre 2019) insiste sur l’importance de créer et de maintenir une alliance thérapeutique entre le soigné et le soignant. Elle indique également que malgré l’approche dite brèves de ce type de thérapie, il se peut que le travail s’étale un nombre de séances plus conséquent. 

Enfin, elle propose les TCC dites de 3e vague avec la thérapie ACT comme une alternative aux thérapies TCC plus classiques. Ces dernières s’appuyant notamment sur l’acceptation des pensées ou des émotions négatives et la mise en place d’actions répondant à ce qui est important pour soi. 

Selon Jérôme Palazzolo (2019), les thérapies dédiées aux séniors peuvent proposer des adaptations pour pallier aux difficultés liées au vieillissement, par exemple nombre de consultations plus élevé et plus courtes, des feedbacks et des résumés de séances plus fréquents, des cotations avec des échelles d’évaluation plus nombreuses, voire de prise en charge par des techniques de remédiation cognitive systématique afin d’améliorer les capacités cognitives : mémoire, orientation temporelle et spatiale, ….

Enfin, en ce qui concerne la possibilité d’organiser des intervention de groupe pour les personnes âgées, Sophie Kindynis (2013) précise que celles-ci apportent des bénéfices concrets. Effectivement, hormis les aspects thérapeutiques, la dimension collective leur permet :

  • Un soutien entre pairs,
  • La réduction du sentiment d’isolement et de solitude
  • L’émergence d’une posture bienveillante et empathique 
  • L’apparition d’une décentration de sa problématique personnelle au profit d’une attention portée sur l’autre. 

En conclusion, les résultats des interventions basées sur les thérapies comportementales et cognitives sont très encourageants car ils donnent des pistes concrètes de prise en charge de nos ainés, qui de par leur vaste expérience et leurs ressources personnelles, contribuent à faire de la thérapie une expérience dynamique, créative et significative autant le soignant que pour le soigné (Palazzolo, 2019).

Bibliographie

Guedj J, Lutter contre l’isolement
des personnes âgées et fragiles isolées en période de confinement. Un plan de mobilisation nationale d’urgence.  Rapport d’étape n°1 et principales recommandations de la mission confiée par Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Avril 2020. 

Kindynis S, Burlacu S, Louville P, Limosin F. hérapie des schémas du sujet âgé : impact sur la dépression, l’anxiété et les schémas cognitifs typiques. L’encéphale. 2013. 

Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Santé mentale et viellissement. 2017

Palazzolo J, L’utilisation des tcc chez le sujet âgé. Blog Psycho info. 2019.

Palazzolo J, Les thérapies comportementales et cognitives du sujet âgé : aspects pratiques et spécifiques. NPG Neurologie – Psychiatrie – Gériatrie. Volume 20, Issue 115, Pages 56-60. 2020. 

Vaillant- Ciszewicz AJ, Troubles de l’humeur (anxiété, angoisse et dépression) chez les personnes âgées : l’efficacité des thérapies TCC. Société Française de Gériatrie et de Gérontologie. 2019.

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