« Mes relations sont catastrophiques, on me quitte tout le temps. Ça me déprime. Quand je suis avec un homme, je deviens jalouse. Je ne fais pas confiance. Qu’est-ce que ne va pas chez moi ? »
Aujourd’hui j’ai reçu pour une première vidéo-consultation une jeune patiente de 34 ans. Elle m’avait écrit quelques jours auparavant, m’expliquant qu’elle avait des problèmes avec son copain, et qu’ils ont rompu tout récemment. Désemparée, elle s’attribue la faute de cette rupture, s’en veut d’avoir été jalouse et regrette ses crises de colère.
Elle raconte le déroulement des derniers mois. En effet, elle aurait voulu avoir confiance en son copain, mais de nombreuses situations lui mettaient des doutes. Elle me dit que dans un couple il est indispensable d’avoir 100% confiance en l’autre. On y reviendra certainement dans un autre article à ce type de croyance.
Elle décrit en détail une des nombreuses situations conflictuelles. Son copain, assis sur le canapé du salon, échange des sms avec son ex-femme concernant les enfants. Elle le voit sourire pendant les échanges, et ça l’attriste, elle se sent humiliée et jalouse. Elle n’arrive pas à le supporter, se plaint, lui demande de comptes. Il lui dit qu’il n’y a rien de mal de rester en contact amical avec son ex-femme. Beaucoup de colère envahit la patiente qui lui rétorque qu’il n’a qu’à retourner avec son ex etc. Il lui répond qu’il l’aime mais que sa jalousie est insupportable. La dispute éclate.
Répétition, jalousie et échecs sentimentaux
Elle décrit d’autres situations toutes similaires. Dès que son copain fait quelque chose qui active des doutes sur sa fidélité, la dispute éclate. Celle-ci débute par des interrogations, puis des reproches, ensuite les insultes. Au fur et à mesure des mois la relation se dégrade, les doutes s’amplifient et les conflits se multiplient, et les copains parfois la trompent puis la quittent à chaque fois.
Des relations amoureuses qui se terminent en échec. Qui laissent un goût amer et une perte d’estime en elle-même. Des blessures qui creusent la sensibilité et amplifient l’idée que ça va se reproduire. Les croyances « Je suis indigne d’être aimée » « Je vais être abandonnée » se renforcent. Rapidement dans l’entretien, je remarque l’autocritique, elle se sent responsable de ce qui arrive, l’impression d’avoir tout gâché. Nous y reviendrons dans un article prochain sur l’effet particulièrement néfaste de celle-ci.
Les schémas, responsables de la répétition
Ainsi, cette petite vignette me permettra d’évoquer les schémas. Ces derniers sont des systèmes d’interprétation des situations qui produisent des pensées et des émotions et guident les comportements. Ainsi on parle de schémas cognitifs, ou émotionnels. A travers nos schémas nous interprétons continuellement et automatiquement les intentions et actions des autres. Dans ce sens, ils contribuent tout au long de notre vie aux interprétations que nous ferons des situations auxquelles nous nous confrontons. Ils s’acquirent en particulier pendant l’enfance, influencés également par notre biologie, et ils s’ajustent tout au long de la vie. Les expériences précoces sont donc très importantes.
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Attention, les tests ne permettent pas de poser de diagnostic, si les résultats vous inquiètent, parlez-en avec un professionnel.
Jeffrey Young est un psychologue américain qui a beaucoup écrit sur les schémas. Il explique que ceux-ci s’apprennent lorsque nous besoins ne sont pas satisfaits ou trop satisfaits ou lorsque nous subissons des évènements traumatiques. Ils conduisent à des mauvaises interprétations à l’âge adulte, à un excès d’émotion et à des comportements dysfonctionnels. Ceci peut être très grave et donner beaucoup de souffrance. Un principe essentiel des thérapies cognitive et comportementale est celui que « ce n’est pas l’évènement qui nous rend malheureux mais l’interprétation que nous en faisons ».
Assouplir les schémas pour plus de flexibilité de comportement
Ce qui fait souffrir ma patiente est d’avoir perçu comme menaçant la conversation entre son copain et son ex-femme. Des pensées d’abandon et de doutes sur l’amour de son copain l’ont envahi et l’ont remplie de colère et de jalousie. Elle ne se sentait pas respectée. Cet exemple illustre aussi comment ses interprétations influencent largement ses comportements. La patiente souffre du fait qu’elle se voit répéter les mêmes colères, comportements, pensées face aux mêmes situations. Elle n’arrive pas à gérer cette manière de penser et faire. Elle en a marre de ces colères qui lui gâchent les relations. Son fonctionnement est rigide. Un de nos objectif en thérapie sera celui d’assouplir, de rendre le fonctionnement plus flexible, car nous voulons sortir des répétitions, en particulier lorsque celles-ci engendrent de la souffrance.
Si nos comportements sont adaptés et fonctionnels, ceux-ci vont permettre de réguler la souffrance, alors que s’ils sont dysfonctionnels, ils seront destructeurs. Ce qui nous intéresse dans la thérapie, est de permettre aux patients de prendre conscience de leur fonctionnement et les permettre d’envisager des comportements adaptés dans des situations problématiques.
Young, a défini 18 schémas précoces inadaptés. Un questionnaire évalue et mesure leur activation. Lorsqu’un schéma est très activé, on peut dire que son application dans la vie courante est très rigide. Cela veut dire que beaucoup de situations vont être interprétés à travers le filtre du schéma, ce qui crée une rigidité du fonctionnement de la personne.
Comment s’apprennent les schémas ?
Les deux premiers schémas qu’on retrouve souvent lorsque la personne gère mal ses relations sont « Le schéma de l’Abandon » et « Le schéma du Manque affectif ».
Le schéma d’Abandon
Dans le premier, la personne a fait l’expérience d’une instabilité dès ses premières relations. Cela peut être une séparation précoce avec un parent, un parent qui abandonne la famille, un parent qui tombe malade ou décède. L’enfant perçoit un évènement comme « preuve » que toutes les relations sont instables et qu’on risque à tout moment d’être abandonné. La personne intègre cette croyance dans son système de croyances de la personne. Ainsi, les futures relations seront perçues à travers le « filtre » de cette croyance. Au lieu d’avoir une vision neutre sur un évènement, une situation ou une personne, le schéma teinte sa perception. Peu importe le caractère de l’évènement, le schéma fera son travail pour que l’interprétation y « colle ».
Le schéma de Manque Affectif
En ce qui concerne le schéma du Manque affectif, il a son origine d’une insatisfaction du besoin affectif précoce. La personne doute qu’elle ne pourra jamais recevoir l’amour puisqu’elle a appris tôt que cela peut être le cas. Elle peut se sentir indigne d’être aimé. Sa croyance sera « Je suis indigne d’être aimé ». Il est important de rappeler qu’une croyance n’est pas considérée entièrement fausse ou vraie. C’est l’esprit qui produit la croyance. Cependant, elle aura des répercussions sur les relations amoureuses de la personne à travers les attitudes et comportements. En théorie, ceci peut se traduire par trois types de comportements.
- La personne se soumet puisqu’elle ne se sent pas digne de l’amour.
- Une fois dans une relation, la personne abandonne pour éviter l’abandon.
- La personne évite de s’impliquer dans des relations pour ne pas souffrir.
Ce qu’on peut remarquer est la tendance de la personne à répéter le même comportement tout au long de sa vie. Or, lorsqu’il a répétition comment peut-on donner toutes les chances à une relation ? Puisqu’au départ le potentiel ou l’avenir de la relation demeure un parfait inconnu.
Comme déjà mentionnée, l’objectif sera d’assouplir et rendre plus flexible afin d’élargir le répertoire comportemental. Permettre une prise de conscience et un choix des comportements à mettre en œuvre.
L’objectif de la thérapie
Je fais régulièrement passer le questionnaire des schémas de Young à mes patients. Il permet de pointer les schémas. Une fois déterminés, nous pouvons ensemble, rechercher leur origine. Il ne faut pas se restreindre à blâmer les responsables éventuels. Cela n’est pas le but. En effet, une personne porte une vulnérabilité génétique. Celle-ci s’affronte à un environnement familial. Il y a interaction.
Nous ne sommes pas tous égaux face aux difficultés et l’individu peut être variablement vulnérable en fonction de la période de sa vie. Par exemple, à l’adolescence nous savons que l’individu est plus vulnérable, tout comme l’enfant peut l’être lors d’un déménagement ou le divorce de ses parents ou s’il subit du harcèlement à l’école… Vous l’avez compris, il y a de nombreux facteurs qui jouent un rôle et il n’est pas toujours possible d’attribuer la responsabilité à une personne ou un évènement précis. Je voudrais aussi souligner, qu’en tant que psychologue TCC, mon objectif n’est pas d’analyser ce qui s’est passé dans le passé mais d’offrir au patient les outils pour mieux se débrouiller dans l’avenir.