La honte, mieux comprendre cette émotion sociale

La honte, est une émotion sociale particulièrement importante. Elle participe aux bases de la conscience morale dans notre culture et dans la société. En effet, les émotions sociales, telles que la culpabilité ou la gêne ou l’embarras, influencent profondément notre processus de prise de décision et régulent considérablement nos comportements sociaux. 

Honte ou culpabilité ?

La honte et la culpabilité sont des émotions douloureuses qui peuvent être confondues. En effet, elles se chevauchent et cela peut être difficile de les différencier.

Par exemple, Marie ment à son professeur concernant son absence la veille. Elle pourrait ressentir de la honte ou éprouver de la culpabilité ou éventuellement les deux simultanément… 

Si Marie ressent de la honte, elle a certainement une croyance négative liée à sa personne. C’est-à-dire qu’elle pense qu’elle a un défaut. 

« Je suis une mauvaise personne » 

Alors que dans la culpabilité la croyance négative est relative à comment il faut agir ou se comporter en société ou en groupe. 

« Ce n’est pas bien de mentir »

Il est important de souligner que la honte et la culpabilité aboutissent à des tendances comportementales différentes. Une personne, qui éprouve de la honte aura tendance à cacher ou nier l’objet de sa honte. Tandis qu’une personne sujette à la culpabilité aura plutôt tendance à vouloir corriger, compenser ou encore réparer l’erreur dont elle se sent responsable.

Ainsi, les deux émotions nous motivent à prendre des décisions morales différentes et celles-ci suscitent différentes stratégies comportementales.

Par exemple, Thomas a une relation extra-conjugale. Il culpabilise et pour « réparer son erreur », il a tendance à acheter plus de cadeaux à sa femme. 

La honte s’exprime différement. Par exemple, Anthony rougit très facilement. Il en a honte. Afin d’éviter des situations où il pourrait rougir il ne sort plus et décline toute invitation. 

La honte serait une émotion plus douloureuse que la culpabilité. Aussi, il y a des preuves montrant que la culpabilité est une émotion morale plus adaptative. En effet, elle fonctionne comme un renforcement des relations sociales. Le fait de corriger ou réparer une erreur et plus favorable socialement que de la cacher ou nier. 

L’objet de l’évaluation négative est différent dans la honte par rapport à la culpabilité. Dans la première, le soi tout entier est au centre de l’évaluation négative.

« Je suis nul.le »

Tandis que dans la deuxième, un comportement spécifique est l’objet l’évaluation négative.

« J’ai fait quelque chose de nul ».

La honte touche l’identité même, et pousse l’individu à penser qu’il est b défectueux, indigne ou inadéquat. La culpabilité, en revanche, laisse l’identité intacte en n’impliquant que des comportements spécifiques.

Dans une étude, les participants devaient s’imaginer dans une situation d’échec. Celle-ci pouvait évoquer aussi bien la honte que la culpabilité. Ils déviaient après s’imaginer comment ils auraient pu éviter l’échec. Les résultats ont indiqué que les participants qui envisageaient des situations de honte montraient une tendance à vouloir rectifier des aspects du moi. 

« Si je n’étais pas si stupide, j’aurais réussi l’examen »

Tandis que les participants qui envisageaient des situations de culpabilité montraient une tendance à rectifier certains aspects des comportements.

« Si j’avais étudié davantage, j’aurais réussi l’examen »

Les deux dimensions de la honte

Les chercheurs expliquent que la honte est une émotion fondamentalement sociale. Elle apparait dans des situations où serait menacé le « moi social ». Elle pousse l’individu à des comportements pouvant limiter le danger pour le « moi social ». Il y a une attention et une sensibilité accrues à l’évaluation du soi par les autres.  

Simultanément, la honte s’accompagne également de pensées douloureuses, de l’autocritique et des auto-évaluations négatives.  On peut donc penser qu’il y aurait deux dimensions de cette émotion, « honte externe » et « honte interne ». La souffrance de la première est attribuable au fait que les autres vous perçoivent négativement. En revanche, la souffrance de la dernière concerne l’auto-persécution et la vision négative de soi.

A quoi sert la honte ?

Les chercheurs se sont dit « si nous ressentons de la honte, cela doit avoir une utilité et une fonction adaptative ». En effet, cette émotion semble avoir évolué à partir du besoin de réguler les réponses psychobiologiques en lien avec le rang social. La honte serait une manifestation de subordination. Chez les primates, la négociation du statut social est une affaire périlleuse. Souvent, le rang social dans un groupe est déterminé en fonction de la taille, la force physique, la capacité à effrayer les rivaux, etc. Dans ce contexte, signaler sans ambiguïté la soumission empêche de nouvelles attaques d’un agresseur. Ainsi le « soumis » favorise le retrait pour survivre. Ce statut affirme au dominant la hiérarchie. 

Cependant, les caractéristiques déterminant le rang social ont largement évolué au cours de l’évolution humaine. Aujourd‘hui, le rang social peut s’obtenir sur la base du talent, de la beauté, du prestige, de revenus ou de la capacité à s’attirer les faveurs des autres dans le paysage social. Ainsi, des raisons d’avoir honte se sont multipliées !  Dans le monde social actuel, elle favorise ainsi des comportements adaptés ou problématiques dans le but de restaurer un rang social perçu comme endommagé. 

La honte peut donc être décrit comme un moyen d’évaluer dans quelle mesure on est perçu favorablement par les autres. Elle pousse l’individu à faire un travail afin de réparer son statut social perçu comme défectueux. De plus, elle est associée à la souffrance de se voir comme indésirable, peu attrayant, défectueux, sans valeur et impuissant. 

Ecoutez aussi notre podcast « A quoi sert la honte?« 

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